Le mot hypnose intrigue, fascine, autant qu’il suscite crainte et méfiance, ironie ou rejet. Ces idées reçues que suggèrent les médias est un procès injuste à son encontre véhiculé par un certain nombre de préjugés dont voici les plus importants.
- « On perd connaissance en hypnose » : ceci parce que le mot inconscient pour désigner l’instance psychique que l’on suscite dans cet état renvoie à la notion de perte de connaissance. Mais l’hypnose n’est ni un sommeil ni un coma. II s’agit d’une absorption dans votre monde intérieur mais vous savez très bien ce qui se passe et ce que fait l’hypnotiseur.
- « On perd le contrôle en hypnose » : cette idée est véhiculée par l’hypnose de spectacle et le côté spectaculaire fait oublier deux choses essentielles :Peu de gens montent sur scène en spectacle : l’hypnotiseur a beaucoup plus d’échecs que de réussite tout simplement parce qu’il n’individualise pas sa technique.
Si les gens sur scène refusent de faire ce que l’hypnotiseur leur demande, ils se réveillent et disent non. C’est très fréquent lors des spectacles de Mesmer et ses assistants sont là pour les aider à reprendre leur place.
Une petite anecdote : j’avais une patiente qui avait été au spectacle de Mesmer lors de sa thérapie.
Elle est rentrée dans une hypnose profonde tout en restant sur son siège. Elle n’a rien vu du spectacle car son inconscient s’est mis en protection pour préserver le travail que nous avions entrepris. Votre inconscient a un rôle de protection. II est donc vrai que du fait de cette absorption et de cette focalisation, de l’attention vers votre intériorité, accompagnée d’une sensation de détente, cet état suscite une diminution du jugement et de la censure pour favoriser le changement sans se heurter à vos rigidités… mais votre inconscient garde son libre arbitre, lui !
« On risque de ne pas se réveiller » ! À cette affirmation, j’hésite entre faire une touche d’humour et vous dire que les cimetières sont remplis de gens qui ne se sont pas réveillés avec ou sans hypnose ☺️ ou vous dire que vous êtes déjà endormi par la télé et les médias et que cela fait bien longtemps que vous suivez le chemin que l’on vous propose.
Pour ceux qui ont vu Matrix, l’hypnose est comparable à cette réplique de Morphéus à Néo : « Choisis la pilule bleue et tout s’arrête, après tu pourras faire de beaux rêves et penser ce que tu veux, choisis la pilule rouge tu restes au pays des merveilles et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre. ».
Cette métaphore rejoint la conception de François Roustang qui dit qu’en hypnose, le champs de la conscience nommée « Perceptude » s’élargit et qu’il vous permet de trouver de nouvelles possibilités, un nouveau chemin en vous offrant la voie pour sortir de vos impasses ! C’est pour le cela que l’hypnose est aussi appelée « veille paradoxale » ou « sommeil qui éveille » !
Bref aperçu historique :
L’hypnose est une pratique ancienne dont les premières traces remontent aux
Sumériens. Durant les premiers siècles de son existence, elle se manifeste essentiellement sous la forme de transe chamanique, vaudou, cathartique etc.

La France fut l’un des premiers pays à s’y intéresser sérieusement et ce, dès le 18ème siècle avec notamment F.Z Mesmer et son fameux baquet, mais également Puysegur, l’abbé Faria etc.
Mal perçue par les autorités de l’époque, elle füt abandonnée un temps, mais revint sur le devant de la scène médicale à la moitié du 19ème siècle, avec deux écoles :
- L’école de la Salpetrière, sous la figure emblématique du Dr Charcot. Elle permit l’étude scientifique de l’hypnose considérant celle-ci comme un état constitutif de la pathologie hystérique. Le Dr Charcot, qui n’hypnotisait pas lui-même ses patientes, déléguant cette tâche à ses collaborateurs, n’a pu comprendre les mécanismes qui sous-tendent ce phénomène et dès lors, ses démonstrations se réduisaient à un spectacle où le symptôme hystérique était absent.
- L’École de Nancy, qui a contribué à l’« âge d’or » de l’hypnose en France de 1882 à 1892 avec en figure de proue le DR Liébault et le DR Bernhneim. Grâce à cette école, le mot psychothérapie apparaît dans le champs lexical français suite à la parution du livre Hypnotisme, suggestion, psychothérapie. Etudes nouvelles du dernier docteur cité précédemment. L’enseignement dispensé de Liébeault et de Bernheim est caractérisé par une hypnose « autoritaire », fondée sur l’usage de suggestions directes, par exemple : « vos paupières sont lourdes ». Célèbre pour avoir critiqué l’hystéro-hypnotisme de Charcot, L’École de Nancy a exercé une grande influence sur le développement de l’hypnose clinique, de la psychologie et de la psychothérapie. Les plus grands cliniciens de l’époque, de Sigmund Freud à Émile Coué en passant par Auguste Forel et Joseph Delbœuf s’y sont formés.
Sigmund Freud s’est formé à ces deux écoles et a traduit le livre De la suggestion et de ses applications thérapeutiques d’ Hippolyte Bernheim. Il commença même à tenter de soigner ses premières patientes avec l’hypnose mais sans en comprendre le fonctionnement. Malheureusement, sa première ébauche sur l’origine traumatique des souffrances psychiques fût abandonnée au profit de la théorie du fantasme. Les historiens et chercheurs en psychologie on depuis montré que Freud a truqué ses comptes rendus d’analyse pour étayer sa seconde théorie…
En résumé, l’hypnose est un procédé thérapeutique connu très tôt en France, mais mal compris, mal interprété, mal utilisé. L’hypnose thérapeutique moderne est issue de l’école Américaine avec Milton Erickson qui va tenter de comprendre les processus psychodynamiques de l’inconscient et poser un cadre clinique et thérapeutique sur l’hypnose, sa nature et ses possibilités.
L’hypnose Ericksonienne :

Milton Erickson, médecin psychiatre et psychologue, découvrit l’hypnose lors d’un long séjour de convalescence à l’hôpital à la suite d’une crise de poliomyélite lors de son adolescence. Il passait le plus clair de ses journées à tenter de retrouver d’infimes sensations dans son corps et c’est comme cela qu’il put retrouver son autonomie.
Par la suite, il se sépara du modèle dominant de l’époque basé sur la suggestion directe et autoritaire, qui ne durait pas plus de quelques heures, pour préférer une approche douce, permissive, qui laisse place à une relation co-construite et à la prévalence de suggestions indirectes. C’est à partir de ces bases que les potentialités thérapeutiques de l’hypnose ont commencé à être comprises et exploitées.
Que se passe-t-il pour le cerveau en hypnose ?
L’hypnose est aujourd’hui un état neurobiologique clairement mis en évidence :
- Ce sont les mêmes aires du cerveau qui s’activent, le cortex frontal et le cortex pariétal, comme dans l’état conscient mais pas aux mêmes endroits. Ceci est sûrement dû à l’utilisation de ce qu’on appelle « les ressources inconscientes »
- Le cerveau passe en ondes alpha provoquant une désactivation du précunéus et du cortex cingulaire postérieur ce qui veut dire que la vigilance et l’esprit critique sont en arrière-plan, que la volonté est éteinte. Ceci va permettre de corriger les apprentissages qui posent problèmes.
En résumé, il y a deux choses à retenir : si les aires sollicitées sont les mêmes qu’à l’état conscient, cela veut signifie que l’hypnose n’est pas un sommeil ou un coma. Vous avez conscience de ce qui se passe mais simplement vous êtes spectateur pour laisser votre inconscient procéder à la régulation.
D’autre part, le changement ne se fait pas par la volonté. En abandonnant cette dernière, vous êtes dans le fameux « lâcher prise », absence de faire et simplement faire confiance à votre inconscient pour organiser le changement.
Ma conception de l’hypnose
Initialement, je me suis formé à l’hypnose Ericksonienne car celle-ci offre un cadre thérapeutique permettant l’expression libre de la personne et de sa créativité.
- Milton Erickson souligna que le patient possède la solution et que son inconscient est un allié coopérant et bienveillant. C’est l’élément clé qui guide ma conception du travail thérapeutique.
Par la suite ma pratique s’est enrichie des deux autres penseurs majeurs de l’hypnose :
- Ernest Rossi qui initia un courant de pensée pour lever la dichotomie corps/ esprit chère aux occidentaux afin de favoriser le retour au corps. En ce sens, le cerveau n’est qu’un organe du corps et l’ensemble forme une unité.
- Francois Roustang prolongea cette idée que nous ne sommes que locataire de notre corps, nous vivons dedans, nous l’habitons, nous le pensons, sans en avoir un réel contrôle : le changement provient de lui. C’est pourquoi à la différence de Milton Erickson qui utilisait énormément les suggestions indirectes et les métaphores, ma technique est beaucoup plus minimaliste et silencieuse : m’inspirant de François Roustang, je crée simplement les conditions pour que le corps puisse faire ce qu’il a à faire pour se soigner.